Sur les photos reçues, je constate que la machine est magnifique, son seul gros
souci est qu'elle n'a jamais été fonctionnelle, le propriétaire n'a jamais
eu l'occasion de la faire restaurer au niveau électrotechnique. C'est avec un grand plaisir
que je la prends en charge, et à l'arrivée à l'atelier elle est encore plus
belle ! Wouah ! La 1ère question qu'on se pose quel était le
modèle donneur ? Aha, je laisse chercher le lecteur, quelques indices et la
réponse se trouvent à la fin de cette page.
L'intérieur du fronton semble en bon état mais demandera néanmoins pas
mal de travail. En effet, comme souvent il faut configurer le transfo en
240V, remettre une batterie déportée, remettre les vis et circlips disparus,
rafraichir les soudures des connecteurs, remplacer les résistances de
100kohms claquées dans les afficheurs, recosser quelques connecteurs et
remettre des détrompeurs , renforcer quelques liaisons de puissance,
remplacer les condensateurs de la carte son, décrasser les sockets de lampes
et les ampoules grillées, remplacer les thyristors HS de commande des lampes
...
Je dois reconnecter toutes les brides de terre déconnectées, je ne
comprends toujours pas pourquoi tout le monde les démontait alors que c'est
un élément de sécurité essentiel.
La carte MPU a démarré de suite, mais après quelques démarrages dans la
machine, elle cale après 2 flashes. Problème de lecture de RAM U8 5101. Je
renfonce le circuit intégré dans son support avec le doigt et la carte
redémarre. Cela prouve néanmoins que les connections ne sont plus fiables,
je n'hésite pas et remplace complètement le support oxydé par la batterie.
Le plateau a été complètement démonté et remonté pour réaliser la
nouvelle décoration, mais il reste quelques
anomalies : quelques soudures froides à refaire, remplacer un support de
fusible 5 mm non conforme, décrasser les contacts, recoller "l'assiette"
plastique du bumper, remonter la tige de rappel correctement sur la cible
tournante ...
Voici ce que donne un plongeur qui n'est pas dans l'axe de la bobine et du fourreau
!
Les 2 batteurs sont bien abimés. Un fourreau métallique est complètement
usé suite au mauvais alignement du plongeur avec l'axe de la bobine. Je le
remplace et réaligne correctement les divers axes. Une biellette a également
beaucoup trop de jeu, je la remplace également. Les contacts EOS (fin de
course) sont cassés et les lames ont été tordues pour "survivre". Les grains
sont fort usés, je suis obligé de les remplacer complètement. Je "remonte" 2
contacts d'occasion mais avec des nouveaux grains tungstène. Après
réinstallations et réglages, les batteurs tapent à nouveau comme il faut.
Au dessus, les contacts EOS d'origine, cassés et pliés, et en dessous les contacts reconditionnés avec de nouveaux grains
tungstène
L'originalité de cette machine est d'avoir un mécanisme de relance de la
bille en cas de sortie amovible. En passant sur certains contacts du plateau
avec la bille, un bobine (celle de droite sur la photo) monte le mécanisme
entre les batteurs et 2 lampes clignotent pour indiquer que la sortie est
protégée. Lorsque la bille échappe aux batteurs et sort, elle active un
contact qui déclenche la bobine de renvoi (celle de gauche, mécanisme genre slingshot). Et la bille est automatiquement renvoyée en milieu de plateau,
super ! Si le mécanisme n'a pas été activé auparavant, la bille se perd
comme d'habitude si elle descend pile-poil entre les 2 batteurs. Avant même
de le tester je me rends compte qu'il ne peut pas fonctionner car le contact
est fermé par défaut et non à l'arrivée de la bille : la tige d'appui a été
remontée du mauvais côté des lames du contact (voir flèche rouge sur la
photo, il suffit de placer la tige au-dessus des lames). Après
rectification, dès le 1er
essai, le système fonctionne parfaitement, super gadget !
Le mécanisme de relance de bille en cas de sortie
La machine fonctionne maintenant à 100% mais un bruit de ronronnement
électrique me gêne. Contrairement à ce que je pensais ce bruit de fond ne
vient pas de la carte son via le hautparleur, mais du transformateur ! Un
bon resserrage des tôles de celui-ci et le démontage de la grille de
protection métallique (qui résonne par sympathie !) font disparaitre
le défaut.
Il me reste à installer un double contact derrière le bouton de lancement
de partie pour le mettre en free play, configurer les règles du jeu avec les dips
switches et cette machine exceptionnelle est repartie après une retraite de
20 ans ! Chouette projet.
Ces petits bonhommes qui dansent me font bien rire !Le magnifique plateau ! Quel travail !
Vues du plateau et d'un début de partie
Histoire de la réalisation de cette machine unique, racontée par son concepteur Jean-Michel G.:
Travailleur socio-culturel dans une « Maison de Jeunes », un des
objectifs de nos actions était de privilégier l’autonomie du jeune, sa
créativité et de lui montrer que tout est possible si l’on s’en donne la
peine. Que l’action est mieux que la consommation. Utiliser la camera (notre
atelier vidéo) plutôt que consommer la télévision, parler (notre radio
libre) plutôt que d’écouter, voyager (notre voyage en transsibérien
Moscou-Pékin, traversée du Sahara en moto, restauration d’un bateau, achat
d’un bus londonien, …) pour s’ouvrir sur le monde.
Dans cette perspective, l’introduction du flipper au sein de l’espace des
jeunes se devait d’être originale. Pour chaque flipper successif installé
(des achats d’occasion) étaient éditées des actions (cent actions par
machine) que les jeunes pouvaient acheter. Les gains des mises en jeu
étaient ensuite divisés entre les jeunes actionnaires. Outre l’initiation à
un modèle économique participatif, un des bénéfices de ce système induisait
pour le jeune, le respect du matériel et la responsabilité d’un patrimoine.
Cependant, le flipper restait un objet « commercial » et dans notre
perspective éducative, nous devions trouver une astuce pour que l’objet
lui-même devienne une appropriation culturelle. Le projet créatif de « re-designer »
des flippers s’est imposé : « dépecer » la machine pour se l’approprier. Lui
donner une personnalité unique.
Malheureusement, la demande de subvention pour ce projet a été refusée
(1994) et surtout, la tâche semblait trop importante pour les jeunes,
notamment, sans expérience graphique. Piqué au vif par cet échec, il
fallait cependant démontrer que le projet était réalisable. C’est donc à
titre privé que le défi a été relevé.
L'art de la peinture n'attend pas les années !
Le choix du flipper fut : « pas cher et pas compliqué ». Nous sommes dans
les années 90 et les flippers de l’époque deviennent trop élaborés pour
prendre le risque dans une première expérience. Disposant d’un flipper
électronique fonctionnant (du début des années 80), le choix est vite fait.
Mais quelle thématique pour cette nouvelle décoration ? « Pas trop compliqué
et plutôt même minimaliste si possible ». Keith Haring, une icône de la
nouvelle figuration s’impose rapidement. Avec son imagerie directe, fraiche,
sociale, colorée, le plaisir de la réalisation sera total. À l’époque (1997)
pas d’Internet pour trouver l’imagerie inspiratrice. Recours aux livres.
Choix de personnages et photocopies de ces derniers. Il faut trouver les
bons personnages qui s’ajusteront aux exigences du jeu de la planche.
Ensuite, on apporte le sujet papier à des artisans publicistes qui
utilisent, pour l’époque, les nouvelles imprimantes de découpe de feuilles
de plastic autocollantes. Chaque contour noir de personnage est découpé et
juxtaposé à la découpe du même personnage en couleur.
La caisse terminée
C’est un travail
fastidieux. En parallèle, démontages et ponçages de la planche, de la
caisse, de la tête. Mise en couleur d’un fond neutre afin de faire ressortir
au mieux les formes synthétiques des personnages. Le flipper est terminé,
mais il ne joue pas encore. Il faudra attendre près de 25 ans et l’expertise
du « docteur flipper », Claude Schmit, pour le voir s’illuminer.