Restauration d'un flipper Bally Space Time de 1972

Dans un lot à restaurer d'une quinzaine de flippers électro-magnétiques se trouve un Bally Space Time bien fatigué, mais surtout dépecé. Je ne suis pas prêt d'oublier cette machine, car au 1^er coup d'oeil je détecte qu'il manque :

• le mécanisme de post central entre les batteurs
• la planche sous plateau avec ses 6 relais !
• le game over relay
• le coin et 2^nd chute relay
• le carillon
• le tilt
• le contact de monnayeur (pas utile si je le mets en crédit gratuit)

D'emblée je me dis qu'il ne va pas être facile de reconstruire un flipper auquel il manque 10 bobines ! Car il va me falloir :

• découvrir celles qui manquent
• choisir les bobines les plus proches possibles, contrôler si elles sont bonnes, remettre les ressorts manquants
• à partir du schéma de principe, dessiner la configuration et le câblage de chaque relais !
• faire l'inventaire des couleurs des fils coupés sous le plateau et en fond de caisse
• faire le lien entre chacun de mes dessins de chaque relais et les fils trouvés dans la machine
• configurer les contacts de chaque relais avec mon dessin, adapter le nombre de piles, le type et le nombre de contacts par pile
• fabriquer et fixer solidement une planche de support sous plateau
• fixer tous les relais sur les planches
• rallonger les fils existants et recâbler les bobines et les contacts, tout en respectant le code couleur original pour ne pas se perdre !
  

Je dépose déjà la planche du fond et je fais un peu de nettoyage car un écureuil semble avoir élu domicile à une époque dans la machine au vu du nombre de coquilles de noisettes trouvées dans le fond de la caisse ! Celle là on ne me l'avait pas encore faite !

En passant, je corrige de petites choses comme un fil de terre qui n'a pas été connecté, une soudure mal faite, ...

Un long travail de recherches et de documentation commence. Le schéma de principe ne donne évidemment aucune information sur la localisation des composants, seuls les identifiants de bobines et la couleur des fils permettent de faire le lien entre la théorie et la pratique. Et beaucoup de fils ont perdu leurs couleurs ... il va falloir procéder par élimination en connectant d'abord les fils de couleurs sûres et ensuite, pour les fils douteux, il faudra mesurer à l'ohmmètre où ils se connectent à l'autre bout pour être sûr de leurs fonctions ... De plus, je dois trouver l'information sur chaque relais : type de bobine, nombre et structure (NO=Normally Open, NC= Normally Closed, M&B = Make and Brake) de tous les contacts. Contrairement à d'autres fabricants, Bally ne donne aucune information sur les relais dans le manuel utilisateur de la machine. Et les photos sur internet ne sont pas assez précises pour me donner la moindre information utile. Zut, comment faire ?

En fouillant la documentation je finis par redécouvrir un catalogue de pièces détachées des flippeurs électro-mécaniques de 1976, 219 pages ! On y trouve de beaux dessins et listes de tous les ensembles et leurs composants. Je regarde à la liste des relais pour le Space Time, et là pour chaque planche (il y en 4) sont documentés les relais dans l'ordre avec toute l'architecture des lames ! Bingo !

On y trouve 4 relais identiques de Bumpers avec chacun 1 pile de 3 contacts (R1 = NO), le relais Alternator avec 1 pile de 3 contacts (R3 = M&B) et le relais de Down Post avec 1 pile de 2 contacts (NO). La dénomination R2 trouvée sur les relais Game Over, Coin et 2^nd Chute signifie évidemment NC. Le 2^ème chiffre semble indiquer le type de grain serti sur le contact (petit ou gros en fonction de la puissance à contrôler). Il me suffit maintenant de retrouver sur le plan chaque bobine et chaque contact, de relever la couleur des fils qui s'y connectent et de documenter tout cela sur papier, puis de fabriquer tout cela et de le monter dans la machine. C'est long mais simple en principe, sauf que dans la réalité, ça va se corser ...

Sur chaque fiche relais, je dessine :

• la bobine (ou les bobines) avec sa fonction et son identifiant (G31-2000, ...)
• la position de chaque contact dans la pile : A1, A2, A3, B1, ... en partant du châssis
• le type de chaque contact : NO, NC, M&B
• la fonction de chaque contact
• les positions des bobines et contacts dans le schéma, en notation"combat naval" (F4, H2, ...)
• la couleur de chaque fil, abrévié et codifié (exemple : BL-Y = bleu-jaune = 23)
• les liaisons au sein du bloc relais (fils entre contacts et entre contact et bobine)

Cette documentation prend du temps et doit être précise et recontrôlée attentivement. Je constate l'une ou l'autre incohérence et erreur entre le catalogue de pièces et le plan au niveau du nombre et de la structure des contacts, ... L'avez vous vu dans l'exemple ci-dessus ? Solution en bas de page ! Il faut donc être vigilant, bien comprendre le fonctionnement de la machine et faire marcher ses neurones. J'inventorie le nombre et les couleurs des fils trouvés dans la machine et compare avec mes fiches : ça ne colle pas tout à fait ! Je n'ai pas le même nombre de fils, mais certains ont la même couleur, donc vont être soudés ensemble, quoique pas toujours ! Argh ! Et certains fils n'ont plus aucune couleur identifiable, on verra.

En partant d'une vieille planche de fond d'une douzaine de relais provenant d'un autre flipper comme donneur, j'ai tous les éléments nécessaires pour construire mes nouveaux relais. Une fois constitué, j'alimente chaque bobine, règle et teste chaque contact, pas évident au niveau des cales entre lames de contacts, il faut mettre les bonnes épaisseurs pour ne pas induire de pression au repos. Après quelques heures de travail, j'ai tous mes relais prêts à être installés dans la machine.

Je commence par souder les fils dont les couleurs sont claires et sûres. Comme les fils ont été coupés et non dessoudés, je suis obligé de les rallonger. Pour ne pas m'embrouiller, je dois également recréer les bonnes couleurs de chaque fil. Je trouve toutes les couleurs de base de fil et pour la 2^ème couleur, j'utilise une petite étiquette papier que je colorie avec un crayon feutre et que je colle et roule sur le fil ! Simple, efficace et assez joli ! Pourvu que ça tienne.

Après avoir connectés tous les fils clairement identifiables, il m'en reste pas mal très "délavés" ! Grâce à mes fiches et au plan, je regarde où vont ces fils non indentifiables et je suis bien obligé de les "sonner" à l'ohmmètre pour m'y retrouver. Je rallonge tous les fils avec un nouveau bout aux bonnes couleurs et les soude un à un sur la bonne cosse. Finalement chaque cosse a ses fils ... mais il m'en reste toujours d'autres qui arrivent dans le vide ! Tant pis on verra ce qui ne fonctionne pas plus tard.

Une fois tout remonté et vérifié ... allumage ! Et grosso modo ça marche ! Yes ! Après quelques petits ajustements, la machine reprend vie après de nombreuses années de léthargie, quel pied ! Finalement, il me restera quelques fils par-ci par là autour du game over relais qui ne seront pas connectés et pourtant tout fonctionne. Je soupçonne qu'ils fassent partie des circuits complexes de monnayeurs. Mais comme j'ai mis la machine en crédit gratuit, cela n'affecte pas le fonctionnement de la machine.

Le post qui monte par moment entre les batteurs pour empêcher la bille de sortir a également disparu. Je reçois 2 mécanismes de post déjà "hackés", mais avec ces 2 assemblages démantelés j'arrive à en remonter un complet ! Encore une fois le catalogue de pièces m'aide beaucoup avec un beau dessin et l'inventaire des pièces et contacts.

Une fois remonté et reconnecté, il suffira d'un réglage fin d'affleurement avec le plateau pour qu'il fonctionne parfaitement. Il est beau avec son éclairage par en dessous quand il est levé. C'est un super gadget, mais traître quand il descend juste au moment où arrive la bille !

Je réinstalle un mécanisme complet de tilt, par contre comme il est impossible de retrouver un carillon, je réinstalle un bobine avec une cloche, et ça tape ! Quand je teste la machine, je la débranche car c'est trop bruyant ! N'ayant pas de fiche, je soude les fils sur de petits boulons qui ont le même diamètre que les broches !

Le batteur gauche n'a plus son plongeur, ni son ressort, ni sa biellette. Je retrouve ça dans mon stock, mais le ressort ne convient pas, ce n'est pas le modèle conique habituel. Sur le batteur droit je vois que le ressort est "hyper" conique : du côté étroit, les 2 dernières spires sont encore plus resserrées et sont serties (vissées) dans une gorge du plongeur pour ne plus bouger. Ce ressort étant très difficile à trouver, je n'ai d'autre choix que de prendre un ressort conique classique et de le déformer à la pince pour le refermer afin qu'il se serre dans la gorge. Finalement, ça marche très bien, ouf !

Je dois remplacer une bobine du player unit grillée et décrasser le mécanisme complètement car la machine reste toujours en joueur 1. L'unité 00-90 reste bloquée également, elle est pas mal rouillée, un bon décrassage lui rendra vie. S'en suit un grosse maintenance de la partie mécanique et électrique, ainsi que la rénovation complète du plateau, je ne détaille plus.

Je me rends compte qu'il manque un genre de joint noir sous le disque en plexiglas qui ferme le tunnel car le disque n'est pas aligné au plan du plateau, il y a un escalier. Je regarde autour de moi et je trouve une vieille courroie de platine de tourne disque d'un jukebox Wurlitzer, je l'ajuste et la coupe à la bonne longueur. Comme la courroie a exactement la bonne épaisseur, le hublot transparent affleure maintenant parfaitement au plateau, le tour est joué, propre et net !

J'adore cet effet. Je n'ai pas besoin de charger une vidéo, il y en a déjà plein sur Youtube, l'effet de ce tunnel est hypnotique: voir ici (sec 42 et plus tard). Le mouvement du tunnel s'arrête au moment du lancer de bille, il faut donc bien choisir l'instant pour obtenir le bonus le plus élevé et après aller le collecter ! Superbe machine qui revient de loin et qui m'a demandé un gros travail de reconstruction, mais très intéressant.

* Voici l'incohérence dans la fiche du bloc relais Game Over : le catalogue mentionne 2 contacts M&B, 1 NC et 1 NO. Dans le schéma et dans la réalité, il n'y a qu'un contact M&B, 2 NC et 1 NO ...