Schmitronic
Réparations d'appareils électroniques vintage
Restauration d'un flipper Stern Cheetah (1980)
Mon partenaire est tombé il y a longtemps sur un Cheetah, un plateau large de Stern, malheureusement sans la glace du fronton et en mauvais état : plateau usé et faisceau de câbles coupés ! Il m'amène dans un premier temps les cartes électroniques.
Après vérifications, renforcements, remplacements de transistors, régulateur, thyristors, … des cartes solénoïdes et lampes, je m’attaque à la MPU. Led ON, comme souvent. Il me faudra remplacer toutes les mémoires RAM (U6 6810 et 2 x U7 5101), remplacer certains supports rongés par la batterie et même la LED et son transistor de commande pour qu’elle recommence à clignoter 7 fois. Je vérifie encore les 5 afficheurs et la carte son. L'électronique est prête mais reste dans un carton pendant plusieurs mois …
Après de longues recherches mon partenaire retrouve une vitre et un plateau nu. La restauration et le remontage peut commencer. Il réalise le transfert de tout l'équipement sous plateau de l'ancien vers le nouveau plateau sans rien dessouder ! Une belle prouesse, j'admire !
Il m'amène le tout et je découvre le désastre : quelqu'un a vraiment coupé le faisceau de fils qui part vers l'alimentation dans la caisse ! Je me demande bien pourquoi alors qu'il suffit de retirer la fiche au bloc alimentation. Peut-être que quelqu'un a dû déplacer la machine en 2 parties sans avoir la clé de la caisse, ce qui l'a empêché de débrancher la seule fiche qui n'est pas dans le fronton et qui permet de désolidariser totalement le fronton de la caisse. Hypothèse raisonnable justifiant le charcutage.
Comme il va falloir tout vérifier, je travaille dans l’ordre : du secteur 230V jusqu’aux gadgets plateau, en passant par les cartes électroniques. Donc d’abord la terre : de chaque côté de la porte les lames de continuité de la terre ont été débranchées d’un côté ! Je vois cela sur beaucoup de machines, j’ai l’impression que dans le temps, peu de machines étaient connectées à une bonne terre, et comme il y a souvent de légères pertes, le gens devaient sentir des « fourmillements » en touchant la porte. Et plutôt que de bien mettre à la terre, il suffisait d’isoler totalement la porte pour ne rien sentir …
La plaque carrée d'alimentation pendouille dangereusement hors de ses plots plastiques de maintien, elle a un beau fusible « hacké » avec un bon brin de cuivre, et un fil a été soudé directement sur une broche puis part vers un "sucre". Un des 3 connecteurs est plus court et a des extrémités brunes ! Et 3 nouveaux ponts de diode puissants et déportés ont été installés. Elle a eu bien chaud cette alimentation. Je nettoie, recosse (cosses trifurcons partout !) et remets de l’ordre. Bien sûr je mesure toutes les tensions, mais sans être connecté au reste de la machine. Au premier allumage je vois, entends une étincelle et vois un peu de fumée ! Pourtant rien ne saute, les fusibles et les tensions restent bonnes, sans doute un brin de fil tombé entre 2 broches de connecteur qui a brûlé.
Me voilà maintenant obligé de reconstituer le harnais proprement, car beaucoup de fils se baladent dans tous les sens ! Je démonte les "sucres" montés en mode "fiche-connecteur" (mon dieu quelle imagination !) et reconnecte tout cela dignement. Facile avec les couleurs de fils … sauf qu'il y en 11 d'un côté et 12 de l'autre ! Je commence par regrouper les fils qui vont vers le même connecteur avec des colçons. J’arrive ainsi à reconstituer la forme originale du harnais, je consulte également des photos sur internet pour vérifier. Je constate avec plaisir que les extrémités des fils amont et aval se retrouvent au même endroit et ont la bonne longueur, ce qui prouve que je suis sur la bonne voie.
Après avoir refait toutes les connections évidentes, il me reste 3 fils de couleur rouge-noir, un en amont qui vient de l’alimentation et 2 qui partent en aval ! Caramba ! En plus les plans spécifiques du Cheetah ne semblent pas disponibles sur internet, dur, dur, il va falloir faire de la « filature » (suivre les fils) ! A l’œil et à l’ohmmètre, les 2 fils en aval font partie de la ligne 12VDC non régulée qui quitte la carte solénoïde et doit alimenter la carte MPU et la carte son. Ils peuvent donc être raccordé ensemble. L’autre, en amont, qui provient de l’alimentation est une masse et avec la position sur la broche du connecteur d'alimentation et n’importe quel schéma Bally/Stern on voit qu’il amène la masse à la carte lampes. De fait, ce fil manque sur le connecteur de la carte lampes à la position attendue.
Voilà, il vaut mieux prendre un peu de temps pour être sûr et ne pas tout faire sauter, certaines erreurs dans les divers circuits de tensions peuvent coûter très cher. De plus par expérience, chez Stern, les schémas sont moins bien documentés, ont plus d’erreurs que chez Bally, et les couleurs de fils sont moins nombreuses et parfois identiques pour véhiculer des signaux différents.
Je remonte les cartes électroniques déjà réparées dans la machine, vérifie bien les tensions à tous les connecteurs et démarre. Dans un premier temps ce n’est pas trop mal, 4 afficheurs sur 5 s’allument, des lampes clignotent et des bobines réagissent. S’en suivent les tests et vérifications de maintenance habituels : une des 3 bobines de batteur est grillée en court-circuit, à remplacer ; une autre est en circuit ouvert, à ressouder le brin cassé ; un doigt de pression d’un contact EOS de batteur est mal placé, à déplacer ; des diodes ne sont plus connectées, à ressouder ; les sockets des lampes faibles ou éteintes, à décrasser. Le travail est plus long que d’habitude car le plateau a été « remonté » à partir d’un autre : des soudures cassent, des gadgets ne sont pas bien ajustés. Mais le pire sont les contacts, ils sont quasi tous oxydés et ne font plus du tout contact ! Un grattage des grains à l’ongle et un énergique frottement des contacts avec un carton imbibé d’un liquide nettoyant pour contact fait merveille.
Je ressoude les broches des afficheurs pour les stabiliser. Celui du crédit s’allume maintenant, mais il me faudra un certain temps pour me rendre compte qu’il n’affiche que les chiffres pairs ! On pense tout de suite au premier bit du bus de données bloqué à 0, mais non, il me faudra remplacer le CI décodeur 7 segments de l’afficheur pour qu’il compte à nouveau juste !
Au fil de mes dépannages, la situation se dégrade, vieillissement accéléré ? La MPU ne démarre plus à tous les coups, elle bloque de plus en plus souvent en led ON. Je mets ma carte MPU universelle pour comparer, et elle démarre à tous les coups, donc alimentation, régulateur et câblage sont bons. Je remets la MPU originale au banc d’essai, elle ne démarre qu’une fois sur 10. Mais elle démarre bien si on court-circuite avec un tournevis les pins 39 (masse) et 40 (reset) du microprocesseur, donc c’est le circuit de reset de la MPU qui est fatigué. Je force le signal à l’entrée du circuit de reset et il réagit correctement à travers les 2 étages à transistor, et la carte démarre, ennuyeux. Je remplace la Zener et Q5, rien n’y fait. Toutes les diodes et résistances sont normales, sauf une qui fait 7,9k ohms au lieu de 8,2 ohms, pas convaincu je la remplace quand même, de même que le deuxième transistor Q1. Toujours pas convaincu, j’allume, et elle démarre à tous les coups ! Comme quoi, il faut persévérer.
Je poursuis les réglages et à un moment les bobines ne réagissent plus. Les fusibles (alimentation et sous plateau) sont OK et les 43VDC sont bien disponibles sur toutes les bobines. Donc il n’y a pas de commande. Ah mais oui bien sûr, je viens de nettoyer les contacts ... dont le tilt ! Il est maintenant tellement sensible qu’il est permanent, la partie s’arrête avant même de commencer ! On a beau avoir l’habitude, parfois on cherche des pannes plus complexes qu’elles ne le sont !
Décidément cette machine a du mal à renaître : après 1 ou 2 minutes les lampes commandées se figent, les afficheurs s’éteignent ou sont bloqués, même le self test s’arrête. Bizarre, pourtant ces symptômes me rappellent quelque chose. La carte MPU se synchronise sur le signal redressé non filtré du 43V bobine. La tension est pourtant bien disponible sur la carte. Re banc d’essai : le 43V est divisé par 2 par un diviseur résistif, puis le signal est transféré à des circuits logiques à travers une résistance élevée de 150 kohms … qui a l’air bonne. Sauf qu’à l’oscilloscope le signal de synchro à la sortie des circuits logiques disparait après quelques secondes ! Je dessoude la résistance de passage et je vois à l’ohmmètre la mesure qui démarre bien à ~150 kohms, puis qui augmente lentement toute seule jusqu’à l’infini ! Un faible courant fait chauffer la résistance et changer sa valeur, je n’avais encore jamais vu cela, je devrais peut-être la mettre sous cadre pour prouver qu’en électronique tout peut arriver ! Quelques instants plus tard une toute nouvelle résistance prend le relais et depuis cet instant la carte MPU travaille sans discontinuer.
Il y a 3 batteurs et celui du haut à gauche fait la mitraillette ! Toute la platine a été trafiquée au fil des ans ... je l'ai démontée et j'ai tout repris à zéro. Tout était faux :
- aucun des contacts n'était décrassé correctement et la lime à ongles, ça ne marche pas. Les grains sont en tungstène, un des métaux les plus dur, mais la cristallisation noire dessus c'est comme du granit. Je les passe tous passé à la dremel pendant 30 sec, puis je remesure et règle jusqu'à avoir 0 ohm
- le guide du doigt de batteur est fendu, remplacé
- le fourreau est collant, remplacé
- le ressort est non conforme, remplacé
- la bobine est non conforme, remplacée par une neuve
- la biellette est usée (trop de jeu), remplacée
- la butée arrière n'est pas d'équerre ni dans l'axe, ajustée, et avancé la bobine
- la butée avant est tordue et montée à l'envers ! Redressée et retournée
- et le pire de tout, le plongeur n'est pas conforme non plus : il est trop court ! Il y a 4 longueurs de plongeurs ! Au départ, avec la bobine de puissance, le batteur se lève, mais le plongeur n'arrive pas au fond car il est trop court. Lorsqu'il ne reste plus que la bobine de maintien le batteur retombe car le champ magnétique n'a pas assez de "prise" : il tient le plongeur "du bout des doigts" et pas "à pleine main" !
Bref, chaque problème allait dans le mauvais sens. Après 3h de boulot (toute une matinée), il est remonté et évidemment il claque nickel, fort et ferme sans chauffer. Il n'y a pas de secret, ce n'est peut-être pas de la haute technologie, mais le tout est très précis et bien pensé, il faut juste remettre tout proprement comme conçu.
Pour finir j'ai encore :
- remplacé quelques thyristors sur la carte lampes, pourtant réparée, certains ont grillés suite à des fils coincés à la masse lors du remontage du plateau ... difficile à trouver.
- testé quelques câbles plats pour faire fonctionner la carte son. Quand on la connecte avec certains câbles plats sur le connecteur de diagnostic de la MPU, la carte se bloque. Typique de toutes les machines Stern : connecter une carte externe en direct sur les bus d’adresses et datas et autres signaux de contrôle au cœur de la carte processeur est une grosse faiblesse de design. Malgré tout, même en ayant activé les sons de fond (background), ils ne sortent pas, seuls les sons en réaction aux évènements fonctionnent. Peut-être le DIP switch 8 mort ? Et bien non, Stern brouille les pistes, il faut lire le tableau de réglages attentivement : on doit mettre le DIP SW sur ON pour mettre le son OFF et mettre le SW sur OFF pour mettre le son ON !!! Allez comprendre. En comparant avec les vidéos sur internet, je constate que les sons sont OK mais pas les effets de bruits (noise), le self test des bobines me donne bien 2 sons en position 20 et 21, mais on n'entend rien sur les positions 22-29. N'ayant pas le temps de réparer ce circuit, j'échange la carte défectueuse avec une carte opérationnelle de mon stock.
- un bumper n’a pas de puissance. Les 2 tiges de transfert (en plastique) vers l'anneau de frappe ne sont plus solidaires de la bobine ! Il suffit de remettre 2 nouvelles vis et c'est bon.
- un afficheur a le digit des centaines qui fait un fantôme de la valeur affichée par le digit des dizaines, c'est le transistor de pilotage du transistor haute tension du digit des centaines qui a un souci, il fonctionne mais ne bloque plus complètement, tout rentre dans l'ordre après remplacement.
- et il manque le knocker.
Un chouette machine ce Cheetah, il roule bien et a beaucoup de cibles à abattre … dans l’ordre. J’aime bien ces cibles qui tombent toutes seules quand on passe à certains endroits et qui facilitent l’avancement dans la séquence. Bientôt j’aurais vu passer tous les plateaux larges de Stern, mais je ne suis pas sûr qu’un plateau large soit un vrai « plus » au niveau du jeu. Par contre au niveau du dos pour les dépannages, à force de soulever le plateau, on sent la différence et la fatigue !
Après quelques semaines en démonstration, la carte son tombe en panne ! Fatiguant car la carte son SB-300 est assez puissante mais complexe, il suffit de la regarder : il y a 17 circuits intégrés et le schéma est un infâme plat de spaghetti, les liaisons vont et reviennent en boucle entre de nombreux circuits. De plus, très peu de documentation et explications existent, seuls 2 articles sont pertinents et utiles (voir article Freefall).
Au démarrage, on entend un grésillement d'une seconde puis, les 7 pings mais sans atténuation, mais surtout à la fin des 7 flashes de la MPU, le son ne s'éteint plus et vrille les oreilles en continu !
A l'oscilloscope, je constate que le contrôle de volume fonctionne mais est mal commandé. Je remplace les CIs les plus suspects (U12, U14, ...) mais rien ne change. Finalement, c'est le grésillement de démarrage qui m'oriente : c'est un son typique de mauvaise configuration ou reset et qui provient sans doute d'un problème d'adressage de la carte MPU vers les divers circuits, U16 et U17 font le décodage logique de quelques lignes d'adresse, je les remplace et c'est finalement U17 qui était claqué. Bon à savoir.